Tout juste revenue de la Croisette (je vous rappelle au passage que vous pourrez lire mon compte rendu de ce 67ème Festival de Cannes dans le nouveau magazine de cinéma « Clap », en kiosques le 18 juin dont voici la couverture ci-dessous en avant-première), je prends la direction d’un autre festival de cinéma dont je fais cette année partie du jury et dont je vous parle ici depuis sa première édition (c’est cette année la 3ème) : le Champs-Elysées Film Festival, qui, comme son nom l’indique, se déroule dans le très cinématographique décor de la plus belle avenue du monde et des différents cinémas qui la jalonnent. Sept jours pour me noyer joyeusement dans le cinéma d’hier et aujourd’hui, français et américain.

C’est sur la terrasse du Publicis qu’a eu lieu le cocktail d’ouverture du festival. La vue, à couper le souffle, donne envie de prononcer un rageur « A nous deux maintenant » tel Rastignac surplombant Paris depuis le Père-Lachaise ou simplement de profiter de ce décor que le soleil de juin auréole d’une lumière intense et presque irréelle comme si Woody Allen l’avait magnifié pour un « Minuit à Paris » n°2. Avec son sens légendaire de la distribution, il aurait choisi  les élégants Jacqueline Bisset et Bertrand Tavernier comme protagonistes…à moins qu’il ne s’agisse des deux présidents de cette édition du Champs-Elysées Film Festival.

Ce dernier, avec sa contagieuse passion cinématographique et son enthousiasme coutumier, a ouvert cette 3ème édition du festival (vidéo ci-dessous).

Puis, est venue l’heure pour moi de redescendre de la terrasse, sur terre, de retrouver la réalité pour mieux replonger dans une douce bulle d’irréalité cinématographique dès le lendemain.

Pour cette première journée de festival, je choisis trois films de sections différents :

-« Chaînes conjugales » un des rares films de Joseph L. Mankiewicz que j’avoue honteusement n’avoir jamais vu et qui fait partie des « Incontournables TCM Cinema » du festival

-« 1982 » de Tommy Oliver, film en compétition, pour accomplir mon doux devoir de jurée

-« The face of love » d’Arie Posi, avant-première américaine avec Robin Williams, Ed Harris, Annette Bening

 

Dans le premier, le réalisateur de « La Comtesse aux pieds nus » et d’ «Eve » dresse avec beaucoup d’ironie le portrait de trois femmes (é)prises dans leurs chaînes conjugales : trois amies qui partent en excursion délaissant à cette occasion leurs maris respectifs. Une quatrième, Addie Ross, qu’elles connaissent toutes les trois leur envoie une lettre disant qu’elle vient de partir avec le mari de l’une d’elles. L’occasion pour ces dernières de revenir sur leur vie conjugale et sur leur rencontre avec Addie Ross.

Oscar du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté en 1950, « Chaînes conjugales » possède déjà toute la modernité, le regard acéré, cette construction habile en flash-backs qui caractérisent les deux chefs d’œuvre « Eve » et « La Comtesse aux pieds nus » (ma critique, ici). Mankiewiscz construit son film avec une habileté remarquable pour déconstruire l’American Way-of-life et l’American Dream : flash-back mais aussi voix off incisive d’’Abbie Ross (qui n’apparaît jamais) et dont l’absence visuelle et le regard sans concessions renforcent l’idée de menace et de fantasme qu’elle représente. Les dialogues sont percutants, cinglants et la distribution remarquable au premier rang de laquelle Kirk Douglas, avec une impitoyable tirade contre la publicité, ou encore la trop méconnue Linda Darnell. Un film joyeusement cruel à l’écriture remarquable. Indéniablement un classique incontournable.

Le film suivant, « 1982 » de Tommy Oliver, évoque aussi d’une certaine manière l’envers du miroir lisse et brillant de l’American dream ou du moins un de ses fléaux qui fait que, parfois le verre se brise.  En 1982, dans la ville de Philadelphie, un père de famille doit s’occuper seul de sa fille de 10 ans alors que sa femme sombre peu à peu dans l’addiction au crack.

La compétition démarre très fort avec ce film coup de poing qui est aussi pour moi un premier coup de cœur. La caméra au plus près du drame et des visages qu’elle enserre renforce l’impression de gouffre inextricable, de prison sans échappatoire, mais renforce aussi l’empathie du spectateur pour les personnages. Sans juger, le réalisateur raconte, à hauteur d’hommes –et d’enfant-, la spirale mais aussi la solitude face à ce drame familial porté par trois acteurs magnifiques dont les visages et l’histoire accompagnent longtemps après le générique de fin.

Une petite pause pour me remettre de ces émotions cinématographiques sur la terrasse Publicis et il est déjà temps de prendre le chemin de l’UGC George V pour découvrir en avant-première « The Face of love » qui raconte l’histoire de Nikki,  veuve depuis 5 ans. Un jour, elle tombe sur le double parfait de son mari défunt Garrett. Envahie par son trouble, elle décide de le séduire. Ce film présente en commun avec celui précédemment évoqué d’être riche de son empathie pour ses personnages, en particulier pour « Nikki », incarnée par Annette Bening, étincelante, qui dévoile ici une nouvelle facette de son immense talent dans le rôle de cette femme qui revit à travers « le visage de l’amour », se laissant peu à peu glisser dans ce jeu dangereux, sans perversité, mais parce que rien d’autre ne compte que d’avoir l’illusion que son grand amour perdu est encore là. Se dégage de ce film et de celle qui interprète le rôle principal beaucoup de douceur et de tendre mélancolie. Le film signe aussi le retour de Robin Williams qui joue ici les seconds rôles (dans les deux sens du terme) face à un Ed Harris toujours aussi charismatique, parfait pour incarner cet inoubliable Garrett. Un film plein de tendresse et de sensibilité, essentiellement grâce à ses interprètes principaux, au charme indéniable, qui parlera à ceux qui ont connu la douleur indicible du deuil qui travestit la vision de la réalité, et l’éclaire (ou l’assombrit) si étrangement. Dommage que la fin cède à des facilités scénaristiques qui tranche avec la justesse de ce qui précède malgré le parti pris de départ qui peut sembler invraisemblable mais qui ne le paraît jamais grâce à l’interprétation subtile et nuancée d’Annette Bening.

N’oubliez pas que vous avez jusqu’au 17 juin pour profiter du Champs-Elysées Film Festival et qu’il est accessible à tous !  A demain pour le récit de la suite de mes pérégrinations.

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Sandra Mézière

Blogueuse et romancière. Diplômée en droit, sciences politiques, médiation culturelle (mémoire sur le cinéma avec mention TB) et d'un Master 2 professionnel de cinéma. 15 fois membre de jurys de festivals de cinéma (dont 10 sur concours d'écriture). 22 ans de pérégrinations festivalières. Blogueuse depuis 14 ans. Je me consacre aujourd'hui à ma passion, viscérale, pour le cinéma et l'écriture par l'écriture de 7 blogs/sites que j'ai créés ( Inthemoodforfilmfestivals.com, Inthemoodforcinema.com, Inthemoodfordeauville.com, Inthemoodforcannes.com, Inthemoodforhotelsdeluxe.com, Inthemoodforluxe.com... ), de romans, de scénarii et de nouvelles. en avril 2016, a été publié mon premier roman au cœur des festivals de cinéma, aux Editions du 38: "L'amor dans l'âme" et en septembre 2016, chez le même éditeur, mon recueil de 16 nouvelles sur les festivals de cinéma "Les illusions parallèles". Pour en savoir plus sur mon parcours, mes projets, les objectifs de ce site, rendez-vous sur cette page : http://inthemoodforfilmfestivals.com/about/ et pour la couverture presse sur celle-ci : http://inthemoodforfilmfestivals.com/dans-les-medias/ . Je travaille aussi ponctuellement pour d'autres médias (Clap, Journal de l'ENA, As you like magazine etc) et je cherche également toujours à partager ma passion sur d'autres médias. Pour toute demande (presse, contact etc) vous pouvez me contacter à : sandrameziere@gmail.com ou via twitter (@moodforcinema, mon compte principal: 5400 abonnés ). Vous pouvez aussi me suivre sur instagram (@sandra_meziere).

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